Chaque année, le Festival international de la créativité Cannes Lions 2024 est le rendez-vous incontournable des acteurs de l'industrie de la publicité et de la communication. Objectif : célébrer les tendances, l’innovation et la créativité.
Avec de nombreuses catégories de récompenses telles que la publicité, l'artisanat numérique, l'innovation… Le Festival international de la créativité Cannes Lions 2024 célèbre l'excellence. Conférence, réseautage autour de sujets tels que l’innovation, social media, la vidéo et bien sûr l’IA et la créativité, Faustine et Loïck de l’équipe tydeo y ont passé deux jours pour s’inspirer.
Que doit-on retenir de l’édition 2024 ? Cannes Lions 2024 a célébré l’impact transformateur de l’IA et de la technologie tout en soulignant le rôle indispensable de l’humanité dans le processus créatif. Faisant écho à une idée exprimée par plusieurs intervenants, Deepak Chopra l'a résumé ainsi : « La clé de la créativité, c'est votre âme. »
Les intelligences artificielles sont des co-pilotes
L'impact transformateur de l'IA sur les industries créatives était une fois encore un thème central du festival des Cannes Lions 2024. Si jusqu’à présent ses usages sociétaux se concentrent principalement sur l’efficacité et le gain de temps, Alex Schultz, directeur du marketing et vice-président de l'analyse chez Meta, a tenu à souligner comment l’IA pouvait fonctionner en tandem avec les créatifs : « En exploitant l'IA, nous pensons que nous pouvons nous libérer des tâches banales et nous concentrer sur les aspects de notre travail qui nécessitent une véritable créativité » ajoutant « nous sommes les pilotes, l’IA est le copilote. » Un point de vue partagé par Jared Spataro, vice-président de l'IA au travail chez Microsoft, pour qui l'IA est « un outil pour élargir l'ouverture créative, vous donnant plus de temps, plus d'espace, plus de capacités pour donner vie à vos histoires. » Autre GAFAM à investir dans l’IA : Google, qui a présenté son outil d'IA texte-vidéo, Veo, et le projet Astra, que la société décrit comme « l'avenir des assistants IA capables de traiter des informations multimodales, de comprendre le contexte dans lequel vous vous trouvez et de répondre naturellement dans une conversation ».
Au-delà des géants du numérique, d’autres marques comme L’Oréal intègrent l’IA dans leur boîte à outils créative. Asmita Dubey, directrice du numérique et du marketing du géant de la beauté et des cosmétiques, a profité du festival pour présenter l'approche du groupe en matière d'IA générative pour les nouveaux services grand public et l'achat de médias, ainsi que le laboratoire de contenu beauté Gen AI baptisé « CreAItech » - un espace d'expérimentation de nouveaux outils de création de contenu.
Pedigree, société d'aliments pour animaux de compagnie, a également montré comment elle exploite les capacités de l'IA. La marque a remporté le Grand Prix Adoptable, dans la catégorie Objectif d'entreprise et responsabilité sociale. Cette initiative utilise l'IA pour mettre en lumière les chiens adoptables. Comment ? En transformant les photos en images de studio de haute qualité pour créer des publicités personnalisées de chiens de refuge à adopter à l'aide du ciblage géographique et de données propriétaires.
Et si l’IA est désormais au cœur des campagnes de communication, Orange a mis le deepfake (mélange de « deep learning » - apprentissage profond - et de « fake » - faux) au service du foot féminin avec le film « Women’s Football réalisé par l’agence Marcel. Objectif : Faire tomber les préjugés autour du football féminin.
Certains intervenants comme Maria Ressa, PDG du site d'information philippin Rappler, appellent toutefois à la vigilance. La lauréate du Cannes LionHeart 2024, l'un des prix les plus prestigieux du Festival, a établi des parallèles entre le potentiel de l'IA à déformer la vérité et ses propres expériences de résistance à une dictature politique. Les risques liés à l’IA ont également été évoqués lors d’un échange entre Elon Musk et le PDG de WPP, Mark Read. Si Musk reconnaît que « c’est la période la plus intéressante de l’histoire », la milliardaire a toutefois déclaré que, selon lui, il y aurait « 10 à 20 % de chances que quelque chose de terrible se produise ».
L’idée vient du cœur et de l’âme
Si le Festival a été l’occasion d’un consensus autour de l’IA comme un outil puissant de la créativité, un autre constat ressort : l’humanité, l’émotion ou encore l’humour, que l’IA ne peut reproduire, offrent le moyen le plus authentique de se connecter avec les consommateurs. Marc Pritchard, directeur de marque chez P&G, a souligné l'importance de l'émotion et des « frissons » dans la communication. « Même avec toute la technologie dont nous disposons, la réponse ne se trouve ni dans les données ni dans les algorithmes. La réponse est dans l’idée, qui vient du cœur et de l’âme. L'IA ne ressent pas de picotements dans la colonne vertébrale. L’humanité compte. » Faisant écho à ce point de vue, Kyle Chaka, auteur de « Filterworld : How Algorithms Flattened Culture » et rédacteur au New Yorker, a ajouté : « l'IA est essentiellement de l'automatisation, et je ne pense tout simplement pas que la culture puisse être automatisée… ».
Elon Musk fait ici encore figure de voix dissidente. Il s’est dit « convaincu que l’IA est capable à la fois de créativité et d’originalité, et que nous risquons ainsi de remettre en question notre propre valeur ». L’entrepreneur a été jusqu’à faire une prédiction : « Je pense qu’il y aura peut-être une crise de sens. Si l’IA peut faire tout ce que vous pouvez faire, mais mieux, alors à quoi ça sert de faire les choses ? »
Le pouvoir de la personnalisation dans la publicité
Aux Cannes Lions 2024, la personnalisation qui permet aux marques de délivrer des messages qui résonnent au niveau individuel a été mise en avant comme un facteur clé du succès publicitaire. Une approche qui améliore non seulement l’engagement, mais crée également des liens plus solides entre les marques et les consommateurs. Parmi les tendances : le storytelling qui permet de toucher les communautés à l’instar de la publicité « Cars To Work » de Renault, signée Publicis Conseil. Une campagne qui met en lumière le dispositif CareMakers de la marque qui propose des voitures à des chômeurs.
Mise en scène de la marque : ramener le sens du spectacle
Selon Adam Morgan de Eatbigfish et Jon Evans de System 1, la publicité est au milieu d'une « dullocalypse ». Leur session « Le coût extraordinaire de l'ennui » a révélé que plus de la moitié des publicités testées ne déclenchent aucune réaction émotionnelle, positive ou négative, et sont donc jugées « ennuyeuses ». Comment expliquer cet ennui ? Les intervenants ont souligné le rôle de la technologie allié à la quête d’échelle et d’efficacité. Selon l'auteur Kyle Chayka, la tendance vers une « culture itérative », où tout ce qui réussit est mis à l'échelle, « Cela aboutira à une culture unique et intéressante, au plus petit dénominateur commun. » De son côté, Sir John Hegarty, Orlando Wood, directeur de l'innovation chez System 1, a appelé les marques à ramener le sens du spectacle. Citant la maxime de Cicéron « Selectare, docere, movere » (ravir, enseigner, émouvoir), Wood a rappelé que ces trois éléments sont essentiels en publicité. Un plaidoyer qui concorde avec les données de VML Intelligence qui révèlent que 65 % des personnes en Chine, au Royaume-Uni et aux États-Unis « veulent désormais que les marques les épatent ». Une prise de risque dont a su faire preuve Ynon Kreiz, président-directeur général de Mattel Inc, nommé « Personnalité du divertissement de l'année ». Kreiz a souligné l'ambition derrière le phénomène Barbie, déclarant : « Il ne s'agissait pas d'essayer de faire un film pour vendre plus de jouets. Il ne s'agit même pas de faire un film. Le but était de créer un événement culturel, de créer un moment sociétal. C’est ainsi que nous l’avons défini dès le départ. »
Connexions comiques
Dans la lignée d’une tendance déjà révélée en 2023, les Cannes Lions 2024, ont mis l’accent sur la demande croissante des consommateurs pour la « légèreté ». Le lauréat du Grand Prix Titanium de cette année illustre bien cette tendance. La campagne « DoorDash All-the-Ads » signée Wieden+kennedy a offert aux téléspectateurs du Super Bowl la chance de gagner tous les produits de la plateforme grâce à un code promo hors du commun… long de 1813 caractères. Humour et légèreté sont des clés précieuses selon Kenan Thompson, membre de la distribution de Saturday Night Live, qui a déclaré que « si quelque chose est drôle, il n'est pas nécessaire de se battre pour attirer votre attention.Vous le chercherez. C'est aussi un moyen infaillible de se connecter avec un public de masse. L’humour désarme les gens. Peu importe ce que quelqu'un pense de vous ou de votre message, un rire est un bref instant où il baisse sa garde et vous permet de vous rapprocher un peu. »
L'humour était également présent dans d'autres campagnes, comme en témoigne la campagne pour la marque CeraVe qui a remporté le Grand Prix Social & Influencer. Signée Ogilvy PR New York, la publicité joue sur la ressemblance entre le nom de la marque et celui de l’acteur Michael CeraVe qui y incarne son propre rôle. L’agence a expliqué dans un communiqué que ses recherches en social listening, lui avaient permis de détecter que depuis des années, les gens se demandaient sur les réseaux sociaux si Michael Cera était lié à CeraVe. Aucun rapport entre les deux, mais la marque y a vu l’opportunité de se saisir, avec humour, de la situation.
L’économie des créateurs progresse
Si les créateurs sont présents depuis longtemps à Cannes, 2024 a vu une nouvelle programmation de contenu dédiée en collaboration avec Viral Nation. Parmi les talents qui se sont exprimés figuraient notamment le podcasteur et ancien moine Jay Shetty, l'historien de la génération Z Khalil Greene, le scénariste de comédie Steven He, le comédien Jake Shane ou encore l'influenceur lifestyle Tinx (alias Christina Najjar). Les agences d'influence et de talents étaient également présentes aux côtés des géants des réseaux sociaux. L’occasion de mettre le doigt sur le pouvoir croissant de l'économie des créateurs avec le lancement de l'expérience Lions Creator pour favoriser l'apprentissage et la mise en réseau entre les talents et les agences. Selon les chiffres de Goldman Sachs l'économie des créateurs pourrait atteindre une valeur de 480 milliards de dollars d'ici fin 2027 et la présence croissante de célébrités, d'influenceurs et de créateurs à Cannes souligne cette importance croissante. Interviewée par Vogue Business, Grace Kao, responsable mondiale du marketing commercial chez Spotify, a déclaré : « Pour les marques, les créateurs représentent une ligne directe vers des publics nouveaux et engagés et une chance de surfer sur la vague de notre culture en constante évolution. »
Le pouvoir des créateurs était à l’honneur dans la campagne primée de Coca-Cola, « Merci pour la création » de Coca-Cola. Créée par WPP Open X et dirigée par VML, avec Essence Mediacom et Ogilvy PR, la campagne mondiale a célébré les interprétations locales de son logo emblématique par des commerçants et des artistes du monde entier. Signe que confier de temps en temps les rênes de la créativité – aux créateurs ou aux co-créateurs – peut rapporter de précieuses récompenses.
Trouver la créativité dans le quotidien
Enfin, comme le soulignait VML Intelligence dans son rapport 2023 « The Age of Re-Enchantment » le Festival a également été l’occasion de mettre en lumière « un mouvement vers la crainte dans le quotidien et la magie dans le banal ». Marc Pritchard, directeur de la marque chez P&G, parle de « trouver la créativité au quotidien », notant que les produits de soins personnels de P&G – parmi lesquels les couches, la lessive, le savon, le dentifrice, le gel douche et le papier toilette – « offrent d'énormes opportunités, car les moments quotidiens sont riches en potentiel créatif. »
Koji Yanai, cadre supérieur du groupe et directeur du conseil d'administration de Fast Retailing Co., Ltd., a raconté comment il avait créé les toilettes de Tokyo. Un projet nominé aux Oscars, où un groupe de créateurs était chargé de repenser certaines toilettes publiques de Tokyo pour les Jeux Paralympiques de 2020. Le projet a ensuite fait l’objet d’un film de Wim Wenders, « Perfect Days » , qui dépeint la vie d'un nettoyeur de toilettes à Tokyo.
L'influenceuse culinaire Alix Traeger a quant à elle expliqué comment son contenu montre « Le désordre de la vraie vie.C'est se présenter sans ces barrières, se laisser aller et s'amuser. » Ajoutant que cette « qualité non filtrée » est ce qui plaît à son public. « Les gens… viennent vers moi et disent : « Vous m'avez inspiré à cuisiner, parce que maintenant j'ai l'impression d'avoir ma place dans la cuisine. »
Enfin, Spotify a prouvé qu’une technologie simple peut encore libérer une créativité convaincante. La campagne B2B de Spreadbeats, qui a remporté le Grand Prix de l'artisanat numérique, a relancé les anciennes techniques de compression et de visualisation pour transformer des cellules individuelles pour créer la première vidéo musicale sur tableur au monde.
Les agences de communication françaises à l’honneur au Festival international de la créativité Cannes Lions 2024
Les agences françaises ont quitté la Croisette avec 48 Lions dont 4 Gold. Le groupe Publicis s’est particulièrement distingué.
Publicis Conseil, l’agence fondatrice du groupe, a été nommée « Agency of the Year » (meilleure agence mondiale), pour la première fois de son histoire. Au total, elle a reçu 2 Grands Prix et 16 Lions, qui récompensent notamment la campagne Renault x Dacia « Cars To Work ». L’agence Marcel s’est distinguée avec le titre de « Agency Entertainment of the Year», 2 Grands Prix et 8 Lions pour la campagne au cœur de toutes les conversations : Orange « Women’s Football ». Publicis Luxe et Publicis Et Nous ont chacune remporté 1 Lion. La nouvelle génération était aussi de la partie : 3 teams de Young Lions pour Publicis Consultants, Publicis Luxe et Publicis Conseil, sont quant à elle reparties avec un Lion.